
La logistique des oeuvres d’art à l’ère du web connecté
Dernière mise à jour le 05/11/2018 à 05:21
De belles histoires chaque jour...
La logistique est une des problématiques majeures sur le marché de l’art. Elle concerne tous les acteurs qu’ils soient galeristes, marketplaces, institutions ou même artiste indépendant. Cette activité centrale, qui permet aux oeuvres de circuler dans le monde entier, devient un sujet critique à l’heure ou la vente d’oeuvres en ligne se développe tous azimuts. A quoi correspond précisément cette activité clé du marché de l’art et quels nouveaux services innovants viennent aujourd’hui améliorer l’expérience de cet axe opérationnel complexe du marché de l’art ?
Un cadre juridique très strict
Légalement, les objets d’art, de collection et d’antiquité sont depuis longtemps l’objet d’une législation et d’une protection particulière. En effet, les oeuvres, en raison de l’intérêt qu’ils peuvent représenter pour la préservation ou l’enrichissement du patrimoine culturel, artistique, historique ou archéologique d’un pays, bénéficient un cadre légal très strict et d’un protection assez exceptionnelle.
La réglementation constitue l’aspect le plus complexe lorsque l’on parle de transport d’oeuvres. Il existe ainsi deux aspects d’un point de vu légal : l’import et l’export des oeuvres. En fonction de la nature de l’oeuvre, qu’il s’agisse d’une oeuvre issue d’un pays membre de l’union européenne ou dans un pays tiers, la réglementation applicable n’est absolument pas la même. De la même manière, des droits de douanes – pouvant être parfois très élevés – peuvent être appliqués en fonction qu’il s’agisse d’import ou d’export.
IMPORT:
On parle d’importation si l’œuvre ou l’objet entre en sur le territoire Français en provenance d’un pays tiers à l’Union Européenne. Dans ce cas, il faudra nécessairement effectuer une déclaration en douane.
Petit rappel des taxes applicables lors de l’importation d’oeuvres :
– Pour les œuvres et objets d’art, de collection et d’antiquité, les importations sont taxées à un taux réduit de TVA (5,5 %) et sont exemptées de droits de douane. L’importateur doit donc payer au moment de la « déclaration de mise à la consommation » la TVA à 5,5 % calculée sur la valeur dite CIF ( pour Cost : valeur de l’œuvre ; Insurance : frais assurance ; Fret : frais de transport).
– Pour les autres objets : les objets neufs et les biens d’occasion (c’est-à-dire les objets qui ont moins de 100 ans d’âge et qui n’ont pas le caractère d’œuvre d’art originale ou d’objet de « collection ») sont soumis à des droits de douane au taux normal de TVA (20 %) sur la valeur CIF.
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter cette ressource.
EXPORT:
Pour l’exportation, il existe deux statuts distincts, l’exportation à caractère définitif ou temporaire. Selon le ministère de la culture, voici les informations à retenir :
L’exportation temporaire ou définitive d’un bien culturel ayant un intérêt historique, artistique ou archéologique, est soumise à autorisation, selon sa valeur et son ancienneté. Seule l’exportation est concernée par ce dispositif. L’importation de biens culturels ne fait pas l’objet d’une prohibition au titre de la protection du patrimoine culturel, mais uniquement d’un contrôle sur l’espèce, l’origine et la valeur déclarées lors des formalités douanières, comme toute autre marchandise.
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter cette ressource.
Juridiquement, on voit que la question de la logistique est bien compliquée à aborder. Professionnellement, elle est l’est davantage quand cette activité est finalement obligatoire pour les acteurs du marché qui exposent, vendent ou prêtent des oeuvres. Ce sujet tellement central que la société Drouot, en 2010, a même décidé de réaliser un appel d’offres pour sélectionner un prestataire taillé sur-mesure et répondant aux critères imposés par la célèbre maison de vente aux enchères.
Un sujet complexe à traiter
Le sujet de la logistique d’oeuvres d’art est donc un sujet bien plus important qu’il n’y paraît sur le papier. Sur le marché de l’art, « la logistique » fait référence aux domaines suivants : transport, stockage, emballage , accrochage et assurance. Ces domaines sont complémentaires et peuvent difficilement exister séparément. C’est parce que la logistique est un sujet de toute première importance dans le processus-métier des professionnels du marché de l’art qu’il est problématique. La logistique est un sujet qui concerne finalement un nombre d’acteurs important du marché : galeristes, institutions culturelles (musée, fondations), foires, maisons de vente, marketplaces, artistes…

L’oeuvre Balloon Monkey au milieu de deux autres sculptures de Jeff Koons, Balloon Swan (Blue) et Balloon Rabbit (yellow)
La réalité est que les caractéristiques physiques de certaines œuvres contemporaines (monumentalité, fragilité ou types des matériaux utilisés) font qu’elles sont quasiment incompatibles avec le transport moderne. Cette réalité se confronte à une autre réalité : celle d’un marché de l’art contemporain qui voyage de plus en plus. Cette itinérance accrue fait que la logistique devient un véritable casse-tête. Ci-dessous, quelques exemples le démontrent, par exemple les installations de l’artiste Américain, Michael Rakowitz. Comme on peut le voir, certaines de ses oeuvres sont des installations relativement encombrantes et lourdes (voir les photographies d’installation ci-dessous :)

Oeuvre de Michael Rakowitz. Photos apr Nick Ash, Roman März, Nathan Keay, and Meredith Traux.

Oeuvre de Michael Rakowitz. Photos apr Nick Ash, Roman März, Nathan Keay, and Meredith Traux.
Le développement des manifestations artistiques internationales
Le marché de l’art est de fait de plus en plus globalisé, les foires se trouvent au quatre coins du monde à une promptitude impressionnante. Conséquence évidente, les oeuvres circulent naturellement de plus en plus. La multiplicité et le développement tous azimuts des foires d’art contemporain internationales poussent les galeries à investir des sommes non négligeables dans des frais de services de logistique. L’impact des foires est considérable, pour les galeries notamment, puisqu’elles rassemblent plusieurs milliers de visiteurs sur des temps relativement courts et permettent aux collectionneurs – et potentiels acquéreurs – de voir sur un temps réduit, la majeure partie de la création artistique contemporaine.
Participer aux foires, notamment les plus réputées, permet aux galeries de gagner en visibilité à l’échelle internationales que, seules, elles ne pourraient obtenir. Toutefois, pour y être exposé il faut déjà avoir la chance d’être sélectionné et dépenser, beaucoup. Il faut donc sur ces temps ramassés, avoir un système de logistique complet (transport, accrochage, installation, décrochage, mise en caisse…) efficace et rapide. Les coûts de participation aux foires sont très élevés (jusqu’à plusieurs milliers d’euros), rajoutez à cela les coûts de logistiques et la facture peut atteindre des sommets. Pour transporter une oeuvre, il est compliqué de le faire via des services comme FedEx ou DHL car l’assurance ou la protection des oeuvres n’est pas adaptée et ne garantie aucunement la pérennité des oeuvres d’art. Cette situation génère des frictions évidentes.
Le boom du marché en ligne soulève de nouvelles problématiques
Le boom du marché de l’art en ligne fait émerger également des besoins adaptés à ces nouvelles plateformes en ligne. Ces plateformes web traitent parfois des centaines de demandes par mois et doivent parfois se charger de l’expédition des oeuvres voire de toute la chaine de valeur. Un travail titanesque donc qui s’avère encore plus compliqué lorsque les demandes proviennent des quatre coins du globe où les réglementations différent du tout au tout. Le développement des plateformes web fait émerger de nouveaux besoins en termes de flexibilité et célérité qui tiennent compte des contraintes liées au web.
De nouveaux acteurs innovants qui se saisissent du problème
L’activité logistique des oeuvres d’art est une vieille activité. Cette activité n’a que très peu été bousculée. Pourtant, depuis quelques années désormais de nouveaux acteurs tentent de réinventer le travail logistique ainsi que les services associés pour rendre plus simple et plus efficace cette activité. Internet permet de simplifier cette activité, et c’est en phase d’être accompli par une série d’acteurs innovants qui prennent en main ce sujet houleux en main en créant des services 360°, innovants et abordables.
Les nouveaux services qui émergent pour cette activité partent des constats simples :
– Réduire les coûts
– Rendre plus transparent les frais de logistique
– Simplifier la gestion d’import/export des oeuvres
– Permettre se savoir en temps-réel où se trouve l’oeuvre
– Garantir que les oeuvres soient assurées où qu’elles soient
Le modèle Artrunners
Artrunners est une société Londonienne proposant une plateforme en ligne afin d’offrir aux collectionneurs, galeries et musées, un accès à des propositions de devis sur-mesure pour le transport d’oeuvre. L’avantage N°1 de cette plateforme est qu’elle permet de comparer simplement en ligne les différentes propositions et de sélectionner les prestataires sur des critères très précis. Le service d’Artrunners inclut la mise en caisse, l’emballage, le transport et l’installation pour des tarifs parfois inférieurs à ce qui est proposé par les sociétés tierces du secteur.
Le modèle Artashipping
Artashipping fonctionne sensiblement de la même manière. Vous pouvez choisir parmi une liste de prestataires recensés, régler tous les aspects logistiques en ligne et suivre votre oeuvre. Le service d’Artashipping souhaite s’inscrire en rupture des pratiques habituelles en proposant un suivi des oeuvres en temps-réel.
Artashipping va plus loin, puisqu’elle développe une API (Application Program Interface). L’enjeu de la société est de parvenir à devenir un standard en matière de logistique online afin de rendre la logistique plus efficace et moins chère.
L’enjeu de la transparence
Les deux sociétés revendiquent une volonté de transparence sur les prix pratiqués. Finalement, les deux sociétés appliquent à leur domaine d’activité ce qui se passe déjà dans plusieurs industries : celui de la transparence sur les prix. En effet, cette transparence constituait un problème de taille pour les acteurs qui ne parvenaient pas à comprendre les prix pratiqués par certains prestataires.
Faire de la logistique un accélérateur
L’enjeu pour le marché de l’art de demain sera de parvenir à faire de cette activité complexe, mais pivot dans marché de l’art, un accélérateur du développement des acteurs du marché de l’art plutôt qu’un frein. Mieux, la logistique à l’heure du marché de l’art 2.0 peut devenir une activité à forte valeur ajoutée et accessible.